Le Printemps le dit
Un cycle de mélodies de Michel Fourgon sur des textes de François Jaqmain, par Jean-Pol Zanutel (violoncelle) et Julie Vercauteren (mezzo-soprano)
"Un beau jour de 2013, mon ami Steve Houben (jazzman bien connu et pétri de poésie) a eu la gentillesse et la bonne idée de m'offrir un recueil dont l'auteur m'était inconnu. Il s'agissait des Saisons de François Jacqmin. Après n'avoir fait qu'une bouchée de ces véritables joyaux en miniature, l'idée m'est venue directement à l'esprit d'en utiliser certains pour composer une oeuvre musicale. De suite, la formation de chambre « mezzo-soprano et violoncelle » s'est imposée à moi, car elle convenait assez bien à l'intériorité et l'intimité qui se dégageaient des poèmes que je venais de lire. Pour la mise en musique des textes (tous extraits de la première partie du recueil intitulée Le Printemps), j'ai été guidé également par ce qui affleurait à l'esprit lors de la lecture de ceux-ci : concision, simplicité, profondeur, sens multiples, humour « sans y toucher ». Ainsi, je me suis efforcé de chercher à inscrire ma musique dans le sillon creusé au préalable par le poète."
Le Printemps le dit est dédié à Julie Vercauteren et Jean-Pol Zanutel.
Michel Fourgon
NB : Les titres des poèmes ont été ajoutés par le compositeur (par commodité) et ne sont pas de la main de François Jacqmin.
1. La Brise
La brise annonce des noces
impitoyables.
Il y a une lueur d'apocalypse
dans tout ce qui naît.
L'herbe fait trembler le
néant.
Il est périlleux de ne pas
être jeune.
2. Le Printemps le dit
Ce qu'il y a à dire du printemps,
le printemps le dit.
Il n'est pas de de signes pour rendre
le vide mystérieusement touché.
La croissance s'accorde à son
propre lyrisme.
Pour entendre vraiment, il faut au coeur
plus d'amnésie que d'enthousiasme.
3. Les Ruisseaux
Les ruisseaux se précipitent
vers les fonds.
Ils dressent la généalogie de la
fraîcheur en courant.
Lorsqu'ils meurent, il reste
la source qui les refait
jusqu'au dénouement du tout.
4. Peut-on?
Peut-on désigner par un mot
ce qui ne porte pas de robe?
Je parle de la jeune pluie
qui stimule l'argile et bleuit
l'épaule des cardamines.
L'eau devine les formes les
plus indécises du printemps.
5. Le Lilas
La vie reprend haleine dans
le lilas.
L'illusion est délectable.
On se protège du destin en
mangeant une fraise.
Dans sa douce duplicité, le
coucou tente un timide
avertissement.
6. L'autre rive du temps
Tôt ou tard, chacun connaît
un printemps qui fait passer
sur l'autre rive du temps.
Là-bas, tout souvenir heureux
a les traits d'un malheur irréparable.
Les oiseaux les plus ingénieux
y sont les outils
de la peur et du silence.
7. La Pâquerette
La pâquerette se joue de la
pesanteur du verger.
Elle traverse la trivialité
des saisons sur les reins
lisses de l'herbe.
On se perd dans l'engrenage
de ses pétales.
8. Il fait plus beau qu'ailleurs
Pour la première fois dans
l'histoire du monde, il fait
plus beau qu'ailleurs.
Les enfants défient toutes
les lois de la gravité.
Ils sentent que l'absolu a
des vibrations de toupie.