Nous, nous ne mourrons pas !

Enregistrement - Soundcloud - Alithéa R.I.P.(oll) tous droits réservés (sur demande)

Sur un texte recoupé d'Alexandre Soljenitsyne

Par dessus tout nous redoutons maintenant les morts et la mort.* S'il ya une mort dans la famille, nous nous retenons d'écrire, d'y aller: nous ne savons que dire d'elle, de la mort...* Mentionner le cimetière comme quelque chose de sérieux passe même pour honteux. Personne, à son travail, n'ira dire: "Je ne peux pas participer au dimanche ouvrier, je dois aller voir les miens au cimetière. « Aller voir qui ne réclame pas à manger » ? Voyons, ça n'est pas sérieux.* Transférer un mort d'un ville à l'autre ? C'est lubie, et personne ne vous fournira de fourgon.* On ne défile même plus dans les rues avec un orchestre, maintenant, en portant le cercueil : quand il s'agit d'un simple quidam, on le transporte en camion. * Naguère, dans nos cimetières, on déambulait les dimanches parmi les tombes, on chantait haut et clair en balançant les encensoirs parfumés. Dans les cœurs descendait la sérénité, la blessure de la mort ne les oppressait plus douloureusement. Les défunts semblaient nous sourire à demi, de dessous leur petit tertre vert: « Ce n'est rien ! ... Ce n'est rien ! ... »* Tandis qu'aujourd'hui, si le cimetière subsiste, il est inévitablement muni de l'écriteau suivant: « Propriétaires des tombes, vous êtes priés de nettoyer les ordures de l'an dernier sous peine d'amende! » Mais la plupart du temps, on y passe le rouleau, on les nivelle avec des bulldozers pour en faire des stades ou des parcs de la culture !* Il y a encore ceux qui sont morts pour la Patrie, ma foi, comme cela peut encore nous arriver comme à vous comme à moi [***] Toutes les nations réservent ainsi un jour au souvenir de ceux qui sont morts pour elles. S'il fallait se retourner vers tous ceux qui sont morts « pour nous », qui donc maçonnerait ? En trois guerres, nous avons perdus des pères, des fils, des fiancés - disparaissez misérables, sous vos stèles de bois peints, ne nous empêchez pas de vivre !

Quant à nous, nous ne mourrons jamais !