Curieux de l'étrangeté quotidienne du monde et de l'ondoyante complexité des êtres, Philippe Boesmans souhaitait composer après l'ample Wintermärchen une oeuvre plus intime. Les sentiments confus et les douleurs anviennes enracinés dans Fröken Julie de Strindberg suscitèrent chez le compositeur l'élan poétique nécessaire à son écriture. Le désordre émotionnel fonde en effet ce chef-d'oeuvre dramatique où s'affrontent Julie, produit arrogant d'une lourde hérédité et d'une éducation erronée, Jean, viril domestique, perdu d'ambition, et Christine, la cuisinière, vaguement fiancée à Jean, inquiétante par son trop-plein de bon sens populaire. Il suffit d'une seule nuit de fête pour que se fige la tragédie de l'aristocratique et faible Julie, rattachée au monde par le fil ténu d'un fantasme de pureté absolue, et qui soudain s'abandonne au domestique manipulant peu à peu en séducteur expert une proie si consentante. Le cruel jeu du pouvoir peut bien se poursuivre un moment, Julie est vaincue, repère de pureté aboli. Jean triomphe-t-il pour autant ? "Quelle horrible puissance m'a poussée vers vous ? La faiblesse attirée par la force ? Celle qui tombe vers celui qui s'élève ? Ou était-ce l'amour ? L'amour, ça ?"
Extrait du livre-programme du Théâtre de la Monnaie, Saison 2004-2005, cité par Valérie Dufour dans le livre "Entretiens et témoignages", paru chez Mardaga en 2005.
Extrait du livre-programme du Théâtre de la Monnaie, Saison 2004-2005, cité par Valérie Dufour dans le livre "Entretiens et témoignages", paru chez Mardaga en 2005.