Lettre soufie : L(âm)

Catégorie
Musique pour orchestre
2010
Compositeur(s)
Instruments
Orchestre
Effectif

pour orchestre

Comment
Commande de l'OPL.
Date de création
Programme

Depuis l’an 2000, je passe une bonne partie de montemps à écrire des Lettres Soufies, alors que je ne suis pas soufi, nimême musulman et que je ne parle guère l’arabe… Ces Lettres nesont pas seulement des missives adressées au « lecteur » attentif, ce sontaussi, et surtout, des exercices de calligraphie, des symbolesalphabétiques. Elles s’inspirent d’un tableau soufi reliant un vastesystème d’interrelations symboliques aux vingt-huit lettresde l’alphabet arabe : une somme méthodique de la pensée métaphoriqueet mystique dressée à des fins incantatoires, que j’utilise commedétonateur poétique, un peu comme s’il s’agissait d’oracles ouverts dutype des Stratégies Obliques de Brian Eno et PeterSchmidt.

L(âm),treizième lettre du projet, est conçue comme une boucle infinie, sanscommencement, ni fin : tous les éléments qui y sont agencés nesont que les différentes étapes d’un cycle de transformations,de recyclages, qui fait glisser les fonctions musicales l’une dansl’autre. La respiration des cuivres s’accélère en pulsation (presque)régulière, qui se lisse en harmonies (en expansion par le milieu), qui semoirent en formules d’accompagnement, qui se ralentissent et secomplexifient en une mélodie libre, qui bifurque en une polyphonieerratique, qui s’épuise en une simple respiration, et ça recommence… Laboucle temporelle étant bien plus courte que le temps total detransformation, plusieurs étapes se retrouvent ainsi superposées, comme unserpent enroulé sur lui-même. Ceci produit une situation paradoxale: lesdifférentes fonctions qui s’agencent, s’accompagnent l’une l’autre etconstituent ainsi un « discours » musical complexe etapparemment nécessaire ne sont en réalité que lesdiverses étapes d’un unique processus, superposées demanière contingente.

Ces fusions momentanées dutemps et de l’espace que constituent les Lettres Soufies, sont comme deshallucinations en miniature : tout est parfaitement attendu mais rienn’est complètement prévisible. La musique y est comme un état deconscience, avec une matérialité et une temporalité spécifiques. Ici, lessymboles soufis étaient : bénin, aimable, séparation, terre, pomme,taureau, Vénus, 30, 129, … J’y ai vu l’amour : un cycle heureux quine cesse de s’ouvrir.