Un·e Claviériste solo jouant
- Clavier midi et dispositif informatique
- Un deuxième petit clavier (2 octaves + Pitch Bend, Modulation Wheel, Pads, 2 potentiomètres, un slider) pour le dispositif de sampler et de contrôle
Flute (aussi piccolo)
Hautbois
Clarinette Sib (aussi Clarinette basse Sib)
Basson
Cor
trompette (en ut)
Trombone
Tuba
Percussion 1 (2 Bongos, Glockenspiel Vibraphone)
Percussion 2 (4 blocs chinois, Triangle, Cymbale, 2 Timbales à pédale, Tam-tam medium)
2 Violons, Alto, Violoncelle, Contrebasse
Partch’s Mirrors (2024 - 20 min)
Pour clavier midi, électronique et 15 instruments
Aurais-je conçu cette pièce comme un voyage dans un espace-temps accumulant les miroirs déformants ? Non pas une errance dans attraction de foire, mais plutôt un parcours subtil dans un montage fantasque de réflexions sonores concaves, convexes, en anamorphose permanente. L’ensemble s’y exprime introspectif, volubile, coloré. Quant au clavier midi, il se veut piano métamorphosé par la microtonalité, à moins qu’il ne se prenne pour un gamelan électronique entre sons-cloches et sons bruités, ou encore pour une fanfare cuivrée plongeant dans les abîmes extrêmes. Les traces-écarts sont de mise dans ce discours qui, partant d’un tempérament commun, se diffracte via le clavier et l’électronique dans l’espace des intonations pour se fragmenter en 19e d’octave avant de s’anéantir dans un tourbillon de 14es de ton (l’étendue quasi-complète du clavier permettant de jouer seulement une octave !). C’est là qu’intervient Harry Partch, compositeur américain du XXe siècle passionné par les instruments hybrides, inventés, et les intonations les plus imaginatives. Avant de commencer la pièce, j’ai réécouté quelques unes de œuvres, relu certains de ces articles. En guise de prolongement de ses pensées théoriques, je me suis basé sur certaines propriétés issues de sa réflexion concernant la gamme en 19e d’octave, se référant aussi à l’histoire - ce tempérament était déjà connu à la Renaissance (cf. l’archicembalo de Vicentino accordé sur cette intonation). J’ai aussi prolongé l’expérience en imaginant une division originale du clavier, à savoir l’espace d’une quinte jouée (7 touches) pour parcourir un demi-ton entendu, donc 12 quintes pour parcourir l’espace d’une octave entendue, d’où cette gamme en 84e d’octave. Et un frémissement d’oreille pour chacune des touches enfoncées. Une manière de revenir au « cœur du son », vibration multiple qu’aimait tant Scelsi.
Pour revenir à l’écoute de la pièce, chaque séquence fait entendre une singularité sonore par son tempérament, par le matériel et par son articulation. Jusqu’au 2/3 de l’œuvre, s’entendra autour du noyau proposé par clavier/électronique la succession suivante : Texture organique de sons cuivrés/tempérament égal - Frénésie de sons « gamelan électronique »/tempérament « spectral » basé sur les composantes du timbre inharmonique - voyage harmonique et mélodique autour d’un piano en 19e d’octave - Piano tourbillonnant en 84e d’octave.
Miroir oblige, le tiers restant reprendra en les déformant et en les compressant ces séquences dans le sens inverse pour revenir aux mesures initiales. Au travers de ce maelström sonore, l’ensemble orchestral se voudra chambre d’écho, de filtrage, d’amplification, d’agitation de ce qui se passe au clavier et à l’électronique. Sans toutefois obliger les musiciens acoustiques à se glisser dans des tempéraments impraticables pour leur instrument.
L’œuvre est une co-commande du Festival Art Musica et du Centre Henri Pousseur (Studio de musiques électroniques de Liège) à la proposition de l’ensemble Sturm und Klang et de son chef Thomas Van Haeperen. Création par ces derniers les 23 (Bruxelles) et 27 (Louvain-La-Neuve) novembre 2024, avec pour soliste Nao Momitani, dans le cadre du festival Ars Musica.
Claude Ledoux