Festival LOOP 8 : le 5 mars 2016 : Sturm und Klang

Le samedi 5 mars 2016, l’Ensemble Sturm und Klang dirigé par Thomas Van Haeperen, clôturera la première série de concerts du Festival LOOP au Senghor. Nous avons demandé aux quatre compositeurs, Claude Ledoux, Jean-Pierre Deleuze, Alberto Posadas et Luc Brewaeys de nous décrire brièvement leur pièce.

Claude Ledoux a écrit Sanaalijal («mémoire» en langue mongole) en réaction à l’expulsion du sol belge d’une journaliste mongole persécutée dans son pays pour y avoir dénoncé la corruption. Même si le matériau de base de cette pièce se rapporte à des traditions folkloriques montagnardes telles que la mélodie populaire pentatonique, la modélisation de flûte et chant simultané et le célèbre Khöömi le chant diphonique, ces éléments ne seront jamais repris textuellement, Sanaalijal tentant ainsi d’éviter l’écueil d’un discours basé sur l’enchaînement d’anecdotes musicales. Au contraire ceux-ci feront l’objet de télescopages et d’opérations de distorsions sonores intenses, voire violentes, dans lesquels la composante verticale engendrera progressivement les concepts horizontaux et vice versa; un processus en double inversion dont les bribes de mémoires activent notre écoute pour lui donner une «direction» expressive qui, volontairement distante de toute vocation tragique ou expressionniste, n’hésitera pas à exhaler un parfum d’espoir et d’optimisme.


Pour sa pièce "…et les sonances montent du temple qui fut", Jean-Pierre Deleuze s’est inspiré du spectre de quelques instruments à percussion à longue résonance, comme le tam-tam et le gong, en décalquant les composantes de ces résonances dans l’écriture instrumentale ou encore en leur donnant une fonction précise dans les champs harmoniques créés. Une étude préalable a été réalisée en collaboration avec le Centre Henri Pousseur. Dans le cas particulier du tam-tam, classé par les encyclopédies comme instrument «à son indéterminé», l’analyse a montré la richesse, le foisonnement infra chromatique, la complexité et l’instabilité de son univers sonore, dont les instruments tempérés ne peuvent que donner un reflet déformé et incomplet. La partition est toutefois réalisée pour annoncer, commenter et valoriser les sons mystérieux de ces instruments. Le titre, en faisant référence à celui que Claude Debussy donna à l’une de ses Images pour piano (Et la lune descend sur le temple qui fut), mais aussi à ceux que Philippe Boesmans donna à deux de ses premières compositions (Sonance Iet Sonances II respectivement pour deux et trois pianos) annonce l’évocation d’une antiquité sans frontières, ni dans le temps ni dans les lieux, et de rituels imaginaires.


Un Crypsis est un mécanisme de défense utilisé dans la nature par certaines espèces animales. Ce mécanisme permet à un organisme d’adapter sa couleur et sa morphologie à celles de l’habitat, afin de passer inaperçu et de se protéger ainsi des prédateurs. L’idée de l’adaptation et de l’intégration de l’individu dans son milieu jusqu’au point où les deux entités (milieu et individu) deviennent indissociables, est à la base de l’écriture de la pièce d’Alberto Posadas. Une série de matériaux musicaux est d’abord présentée de manière distincte et identifiable, mais, au fur et à mesure que la pièce évolue, ces matériaux individuels vont progressivement s’intégrer au contexte sonore, devenant un tout indissociable. Le son évolue, tout au long du discours musical, entraîné dans ce processus irréversible. Chaque événement sonore ne doit pas être considéré comme la manifestation d’un matériau déterminé, mais comme l’expression de la croissance organique d’une structure. Au sein de cette structure, le “milieu” conditionne le système d’adaptation des matériaux individuels.


Cardhu de Luc Brewaeys est une pièce spectrale, mais l’auteur y fait aussi fréquemment usage de quarts de ton qui font pas nécessairement partie des séries harmoniques et même, dans une volonté de pousser plus loin son exploration, de lents glissandi. Intrigué par le concept de mouvement au sein de la musique spectrale, il a essayé d’étendre ses recherches à cette pièce en indiquant des tempi fluctuants, bridés par des accélérandos et ritardandos, ce qui a un impact certain sur la perception de cette musique. Sans être proéminents, apparaissent aussi certains fragments mélodiques. Les passages rapides sont au début très brefs, comme des signaux pour la musique plus lente qui les suit, mais au fur et à mesure ils prennent de l’importance et se rallongent graduellement pour culminer dans la «section dorée» de la pièce. Vers la fin, la différence entre ces passages rapides et lents est quasiment abolie, et la pièce se termine pour ainsi dire, en totale harmonie avec elle même.


INTERPRETES : 

FLÛTE SOLISTE DANS SANAALIJAL DE CLAUDE LEDOUX: BERTEN D'HOLLANDER

CLAIRE BOURDET (violon), Cécile Lantenois (violon), DOMINICA EYCKMANS (alto), CATHERINE LEBRUN (violoncelle), NATACHA SAVE (contrebasse), ANNE DAVIDS (flûte), PHILIPPE SAUCEZ (clarinette), KRISTIEN CEUPPENS (hautbois), PIET VAN BOCKSTAL (hautbois), EMILIYA ZINKO (basson), DENIS SIMÁNDY (cor), JEAN-LOUIS MATON (percussion), FABIAN COOMANS (piano).