"La belle folie" est une célébration chantée de l’amors, l’amour inventé au XIIe siècle par les trobadors. Elle rejoint un monde poétique éteint depuis dix siècles. Et comme la Canso médiévale, elle prend sa source dans la poésie d’amour, le trobar, union du triptyque « amour, chant et poésie ». Six tableaux thématiques de l’art des troubadours mettent en évidence, à travers trobars (poèmes), vidas (biographie) et razos (commentaires) les fondements essentiels de la fin’amor. Sur scène, parmi les musiciens, un conteur et narrateur incarnent successivement les troubadours et les trobaïritz évoqués dans les six différents tableaux : Guillaume IX d’Aquitaine, Arnaut Daniel, la Comtesse de Die, Rigaut de Barbezieux, Peire Vidal, Jaufre Rudel, Bernart de Ventadour, Raimbaut d’Orange. Les contes et les narrations des poèmes et des vidas sont en français tandis que la plupart des poèmes de troubadours (trobar) mis en musique sont chantés en occitan. L’œuvre évolue entre légèreté et secret, entre trobar clus et trobar leu,entre le lien amoureux et son impossibilité. Cette célébration chantée conduit peu à peu vers la folie mystique que la joie d’amour provoque : la déraison, le renversement du monde, le bel et gai saber, « La fleur inverse » de Raimbaut d’Orange à laquelle seule la belle folie d’amour permet d’accéder. Ainsi « l’œuvre clame » la résurrection du chant d’amour. Elle cherche « ce que l’être humain désire le plus » ; traverse nature, saisons, lumières, et l’« odeur de l’herbe fleurie » ; suit les oiseaux messagers « et son corps est si gai que les oiseaux s’en réjouissent par les haies » ; contemple la beauté des corps, de la nudité, « Je la crois revoir nue, ainsi comme je l’ai déjà vue » ; aime d’un amour mystérieux, sans raison, immotivé, présent, qui chante d’exister, de lui-même, et dont le cœur est prisonnier : « Amoureux suis et amoureux serai » ; désire toucher, étreindre, désire la nuit, « et que mien soit un amour tel que je sois jouissant joui » ; chancèle entre « Joi » et « Sofrirs », entre extase et néant, opposés inséparables, «souffrir fait maint amoureux en joie » ; s’affole des dangers de l’amour, trahisons, rivaux, médisances, jalousies, « je me suis changé en jaloux de moi-même ».
Création au festival Déodat de Severac en décembre 2023 à Toulouse, avec Marie Cubaynes (mezzo-soprano), Cécil Gallois (contre-ténor), Xavier de Lignerolles (ténor et direction), Frédéric Albou (basse), Laura Tejeda (vocaliste) et Pascal Contet (accordéon), sous la direction de Jean-Jacques Cubaynes