Cher Arnold,
Quel coup de génie, ton Pierrot lunaire ! C’est ton œuvre qui nous apparaît comme la plus originale, la plus singulière, et pourtant tu l’as composée en un flux spontané, quasi continu. Quand je pense que tu composais une pièce par jour!... quel exploit, d’autant plus que son écriture s’inscrivait dans l’exploration d’un style radicalement nouveau, marqué par la volonté d’abandonner tous repères tonals, et bien avant que la technique de composition dodécaphonique ne s’impose en toute clarté dans ta pensée.
Tu nous montres la beauté que l’on peut tirer de l’emploi récurrent d’intervalles réputés « dissonants », comme le triton ou la septième majeure, qui donnent cette couleur constante, immédiatement reconnaissable à ta musique, et dont le style ne pouvait que servir la poésie de Giraud…
Quelle leçon de composition et d’élaboration artistique puissante pour nous tous!
J’ai essayé d’en tirer parti. Toutefois je dois t’avouer que je ne peux penser ma musique sans l’inscrire dans des « champs de résonance », plutôt que dans des « champs dodécaphoniques », toujours préoccupé de sauvegarder une certaine dimension harmonique. Mais enfin cette préoccupation devrait être bien accueillie par l’auteur de l’un des plus fameux traités d’harmonie … n’est-ce pas ?
Avec toute mon admiration.
Jean-Pierre