Voici l'absence. Cinq déplorations en antiphonie

Sous titre
Trois Haïku de Bashô / A un aspirant tué (version révisée) / Lethamorphos XXI (transcription pour voix et orgue)
Catégorie
Musique vocale
2012

Note du compositeur:

Voici l’absence propose une mise en perspective musicale à partir de textes aux tonalités contrastées, mais tous réunis par la thématique de la mort, du deuil et … de l’absence subséquente.

Trois Haïku de Bashô chantés en langue originale encadrent deux poèmes de langue française, un chant funèbre qu’Henri de Montherlant a dédié à un compagnon de tranchée et Lethamophos XXI du poète belge Jacques Crickillon, fresque dramatique qui sonne comme un appel implacable à la réconciliation de l’homme avec la nature. Les musiques sur les deux textes en français sont préexistantes et ont été révisées ou transcrites pour s’inscrire dans cet ensemble.

Au temple de Suma, Bashô croit entendre le son de la flûte dont jouait autrefois Taira no Atsumori, décapité à l’âge de seize ans suite à la défaite de son clan dans la bataille de Ichi-no-tani. Ce contexte du premier poème met bien en évidence une des caractéristiques essentielle du Haïku : dans son mode d’expression poétique ancré dans la philosophie zen, l’émotion n’est pas exprimée directement, mais est plutôt évoquée, tout en retenue et en allusion. Montherlant, au contraire, exprime sa douleur et sa révolte de façon explicite. Crickillon clame celles-ci aussi, mais à travers une portée toute symbolique.

J’ai souhaité que ces contrastes d’expression poétique soient soulignés musicalement et tout particulièrement, pour la mise en musique des trois Haïku de Bashô, par des références plus ou moins explicites à certains aspects des musiques traditionnelles du Japon.

Compositeur(s)
Instruments
Orgue
Voix de mezzo soprano
Durée
30 min.
Effectif

Voix moyenne et orgue

Date de création
Programme

Voici labsence. Cinq déplorations en antiphonie.

 

 BASHÕ

須磨寺や          sumadera ya       Temple de Suma

ふかぬ笛きく   fukanu fue kiku     jentends la flûte qui sest tue

 木下やみ         koshitayami          dans l’ombre des arbres          

 

Henry de Montherlant,  A un aspirant tué, Chant funèbre pour les morts de Verdun, poème liminaire au livre de prose Mors et Vita, 1932.          

Jai lavé ton front, tête vide,

Défait les cuirs sur tes reins étroits,

Défait le col sur ton sein aride.

Pauvre corps, qua-t-on fait de toi !

Tu priais que passât ce calice.

Je tairai tes yeux tournoyants.

Frère du choix plus fort que le sang.

Quavais-tu fait pour quon te punisse ?

 

BASHÕ

夏草や                 natsugusa ya                Ah ! herbes d’été

つはものどもが    tsuwamonodomo ga      tout ce qui reste des rêves

夢のあと               yume no ato                   de tant de guerriers        

 

 Jacques Crickillon : LETHAMORPHOS XXI, extrait de Ténébrées, Éd. LArbre à Paroles, Amay, 1993.

 

 Les rives de la forêt s’écartent.

 Le fleuve de larmes simmobilise.

Voici le corps et voici son absence.

 

Le ciel s’absente.

L’oiseau tombe.

 Nulle vague ne reviendra.

 

 Lumière de pierre.

 Au fond du sommeil

 Meurt un enfant.

 

 Le chat cherche une place

 Où mourir.

 Et meurt en chemin.

 

 Arbre pour attendre.

 Pour ne plus attendre.

 Lande aux arbres morts.

 

 Les étés chantent en chœur.

 Lhiver prie seul.

 Enfant, égaré, sous lastre.

 

 Sur les bords, poissons morts.

 Aucun triangle ne se répond.

 La cloche tinte seule.

 

 Une passerelle, enfin !

 Qui sy risquerait ?

 Lequel de tes doubles ?

 

 La pluie court sur les prés.

 Personne nest venu.

 Seulement sur rendez-vous ?

 

 Plier bagages et pages.

 La neige explose.

 Front fier fendu.

 

 Asters bleus, marguerites jaunes :

 Dernières découvertes.

 Le bal des saisons s’éteint dans la boue.

 

 Appel dans la brume.

 Nul nest venu.

 La montagne trame des délires.

 

 Vaste horizon de pierre.

 Ciel

 Levé comme masque.

 

 Poussière de pierre, le fleuve

 Du regard immobile

 Sur cette absence de face.

 

 Et la sainte face parmi nous.

 Montagne submergée.

 Ce silence pleure sur la mer.

 

 Le jour descend.

 Na pas cessé de descendre

 Abandonnée, la maison du bois.

 

 Le jour descendait.

 Et le voici qui descend.

 Disparue, la demeure des forêts.

 

 Et le jour descend, descend…

 Un fleuve gronde.

 Entre mémoire et laujourdhui.

 

 Et le jour est descendu, descendu…

 Nul ne veut signer ces pages.

 Au regard, nul rivage.

 

BASHÕ

留守の間に          rusu no ma ni         Quand le dieu sabsente

あれたる神の      aretaru kami no       tout paraît abandonné

落葉かな                ochiba kana              que de feuilles mortes !         

 

 

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