Ce concerto est en résonance avec les ondes gravitationnelles. Ces ondes viennent du fond des âges cosmiques et sont des oscillations de l'espace-temps produites par les phénomènes les plus violents du cosmos : l'explosion d'une étoile, la collision entre des étoiles à neutrons ultra-denses ou la fusion de trous noirs. Les sons rendus audibles des ondes gravitationnelles ressemblent d'une part à ceux de certaines ondes produites par des animaux sur Terre comme les baleines, les oiseaux ou les chauves-souris et d'autre part aux sons du « scratching », technique inventée par les DJ, qui consiste à lire un disque vinyle par des mouvements de va-et-vient brefs et rythmés. Tous ces sons des ondes gravitationnelles aux DJ sont appelés « chirps », pour « gazouillis » en français. Ainsi en même temps que les instruments imitent les « chirps » des ondes gravitationnelles, le violon solo-spationaute voyage avec elles et sonorise l’orchestre tout entier, un peu comme la chauve-souris émet des « chirps » pour détecter son environnement. Résonne alors un espace sonore en lien avec le cosmos, la Terre et les non-humains ! Ce soliste chauve-souris est donc aussi un DJ humain « scratchant » l’orchestre par des sons granuleux, frottés et roulés. Cet espace bruiteux est une métaphore sonore des activités humaines qui provoquent l'extinction actuelle des espèces animales. Au fil de l'œuvre, ce bruit envahit l'espace sonore, les autres sons du monde disparaissent et le violon soliste pleure. Mais, avant qu'il ne disparaisse à son tour, ses lamentations résonnent encore un peu, désespérément, face au désastre dont l’humanité esseulée dans le cosmos est responsable. Telle une rhapsodie spatiale faite de jeux intuitifs et libres, « Chirps, scratches and tears » convoque l'auditeur à écouter ces différents sons de fin du monde et en particulier ceux en imitation des ondes gravitationnelles. Ceux-là sont fascinants parce qu’ils existent sans l’écoute, sans nous. Ainsi le concerto rejoint la science car il accentue et met en évidence ce qu'elle nous dit : les ondes gravitationnelles existent sans nous et continueront d’exister après nous ! L'œuvre exprime ainsi l'« inquiétante étrangeté » de notre époque : écouter les sons quasi éternels de ce monde dont nous ne ferons plus partie dans le futur.