pour piano et ensemble de 13 instruments
Bell(e)...S
Pour piano et ensemble de treize instruments (2004)
À l’origine de l’œuvre, une fascination pour le Japon, pays nourrissant cette opposition étrange entre modernité et figures du passé. Plus qu’une opposition, oserait-on parler d’instauration d’une véritable dialectique sans que l’on sache exactement où se situe précisément la frontière entre ces deux mondes de pensée(s). Si ce pays était encore inconnu à mes yeux au moment de la composition (ce n’est plus le cas aujourd’hui), deux circonstances alimentèrent toutefois mon imaginaire à son égard. L’une, anecdote ponctuelle puisée dans le passé, est liée au cadeau d’une peti- te cloche* japonaise qui m’avait été offerte par une amie du « Soleil levant ». L’autre, relevant de l’acuité quotidienne, est personnifiée par celle qui partage mon existence et qui ne cesse d’amplifier mes rêves d’un Orient lointain au vu de ses origines japonaises. Ces circonstances furent pour moi l’occasion de réfléchir sur le « son » comme point focal ouvrant sur d’autres perspectives spécifiques du monde : monde intérieur de la spiritualité (son résonnant); monde extérieur, quasi chorégraphique, des pensées et des mouvements corporels qui animent notre quotidienneté (son en mouvement). Et d’y inclure, en guise de métaphore de cette frontière indicible, le concept du « En » japonais, sorte de no man’s land transitoire où l’extérieur se charge d’intériorité et inversement, corridor architectural entre l’intimité de la maison et le jardin ouvert sur le monde, mais aussi silence imposant du Kabuki qui sépare deux actions opposées et figées momentanément. Dernière métaphore du genre, le titre de l’œuvre ; « Bell » versus « Belle ». Ce jeu entre l’occlusion ponctuelle du son « b » en opposition à l’ouverture infinie du sifflement du « s », la parenthèse personni- fiant cette fusion hors de l’espace temporel et matériel, englobant le reste de cette subjectivité, hors toute compré- hension même de ces lignes, là où l’imaginaire de l’auditeur pourrait peut-être rejoindre celui du compositeur. Bell(e)...S est une commande du Festival Ars Musica 2004. Ce « concerto de chambre » est dédié à Nao Momitani, inspiratrice de l’œuvre, celle qui devint mon épouse en cette même année de création.