Ténor, ensemble d'instruments traditionnels japonais, instruments baroques
Euridyce effacée (12’ – 2014)
Pour ténor et ensemble de dix musiciens
(instruments traditionnels japonais et instruments baroques : sho,biwa, shakuhachi, koto, 2 percussions, violon baroque, basse de viole, luthbasse et clavecin)
La trace et son effacement. Comme pour mieux porter son ombre dans denouveaux champs de conscience.
De multiples échos fragmentés traversent cette œuvre étrange, conçue commeune errance de notre écoute. A commencer par des fragments du récitatif Qualvita è questa mai du troisièmeActe de l’Orfeo ed Euridice de Gluck.Y résonnent quelque harmonies du compositeur ou quelques bribes du texte de sonlibrettiste, comme si Orfeo(nous-mêmes ?) se remémorait les mots d’Euridice. Être aimé qui devient ainsi héroïne par son absence. Lamusique joue des inflexions du lamento issu de la figure chromatiquedescendante. Elle « implose » au cœur de petits glissandi permanentsqui irisent peu à peu une texture fragmentée où s’engloutissent les affects denotre mémoire. Poème quasi chorégraphique,l’obsession douloureuse initiale sera toutefois dépassée par une nuancesensible d’espoir. Ainsi, Calzabigi fera-t-il place à deux auteurs japonais dela même période. A Buson d’apparaître à son tour au creux d’une respirationdansée. Incompréhensible dans les fragmentations de syllabes portées par lessouffles instrumentaux. La musique aussi se déplace. Transmutation. Lesinstruments occidentaux se soumettent peu à peu aux inflexions orientales etaux instruments japonais. A ceux-ci de prendre le relais en mettant en valeurun second haiku. Autre figure féminine, Chiyojo nous offre sa solution, unrayon de lumière face à l’effacement. Euridyce peut enfin manifester la douceurde son altérité.
Cette œuvre est dédiée à Laurent Teycheney, avec toute mon admiration pourson humanisme délicat qui transparaît dans son engagement sans faille. Euridice effacée est aussi dédié àSylvie Pébrier, à que je dois ce tire évocateur. Je la remercie de tout cœurpour toutes ces discussions passionnées autour du « sensible », cettenotion qui ne cesse de traverser mes désirs musicaux.
Écrite dans le cadre d’un hommage à Gluck, à destination de l’ensembleMuromachi de Tokyo. Créationsous la direction de Masakazu Natsuda, le 26 décembre 2014 au SuginamiKoukaidou de Tokyo, en présence du compositeur, grâce au support financier de la Frédération Wallonie Bruxelles International
Textesde Calzabigi, Buson et Chiyojo
Ranieride Calzabigi (1714-1795) :
(fragmentsextraits de Qual vita è questa mai,
récitatifde l'Acte III - Orfeo ed Euridice de GLUCK
En gras : texte utilisé dans Eurydice Effacée)
EURIDICE
[Qual vita è questa mai,
che a vivere incomincio! ]E qual funesto
terribile segreto Orfeo m'asconde!...
Perché piange e s'affligge?... [Ah non ancora
troppo avvezza agli affanni
che soffrono i viventi, a sì gran colpo
manca la mia costanza...] agli occhi miei
[si smarrisce la luce. Oppresso in seno
mi diventa affannoso]
il respirar. Tremo... vacillo... e sento
fra l'angoscia e il terrore,
[Quando all'ebbrezza, ] rediviva, aspiro
da un palpito crudel vibrarmi il core.
Haikude Buson (1716-1783) :
sabishisano
ureshikumo ari
akino kure
Haikude Chiyojo (1703-1775) :
sabishisawa
kikuhito ni koso
kankodori