violon et orchestre
Frissons d'Aile
pour violon et orchestre (2004 - 30 min.)
L’œuvre commence là où le Cercle de Rangda (pour piano et orchestre - 1998) finissait : une arabesque évanescente ; plus prosaïquement, une synthèse sonore poétique réalisée par curieuse association de flûte, célesta, harpe et cordes graves, sensée représenter quelques chuintements délicats murmurés par les vents balinais. Les trois mouvements de cette “concertante” ne cesseront de développer cette bribe initiale, conçue comme un germe fondamental, une molécule musicale dont les atomes se révéleront de plus en plus à l’audition, au point de constituer la mélodie sur laquelle se construira tout le troisième mouvement.
A propos du titre. Peut-être pour certains, l’occasion de se rappeler quelques réflexions de physiciens à propos de battements d’aile de papillon ayant le potentiel de bouleverser l’univers entier. Une image forte située à la croisée des notions de “genèse” et de “perturbation”. On pourrait même l’imaginer comme le lieu de rencontre entre monde physique (dans toutes les acceptions du terme) et monde mythique (qui tente depuis des millénaires, quelque soit sa provenance géographique, d’expliquer l’origine des choses, son expansion et ses désordres). Exprimée musicalement, cette idée donnera naissance à une partition située entre d’une part les sensations concrètes, comme la sensualité des arabesques mélodiques et autres évocations dansées, et d’autre part, les allusions sonores, ouvertures - oserait-on dire spirituelles - vers la contemplation des associations subtiles de timbres orchestraux issues d’analyses spectrales.
Et l’Orient de revenir en force ; non pas au travers de ses réflexions philosophico-religieuses, mais plutôt au gré de ses sonorités et de techniques musicales. Ainsi, “Frissons d’aile” concrétise-t-il mon intense désir de manier les structures musicales telles que j’ai pu les découvrir lors de mon séjour indonésien (fait en 1996). L’objet de cette fascination : le gamelan javanais, un ensemble d’instruments de percussions qui avait déjà fortement influencé Debussy en son temps. Pratiquer les multiples instruments du gamelan - modestement... en amateur - m’a permis de comprendre la subtilité des compositions qui leurs sont dédiées, des constructions où l’hétérophonie complexe n’est que le résultat d’une superposition simultanée de nombreuses variations d’un même ferment musical. Tout est dit... “Frissons d’aile” repose essentiellement sur ce principe. La première mesure contient l’œuvre entière, le reste n’est constitué que de variations alternant hétérophonies de complexités variables et d’émergences de la soliste insufflant une énergie nouvelle au germe originel.
“Frissons d’aile” résulte d’une commande de l’Orchestre Philharmonique de Liège. Je remercie Jean-Pierre Rousseau, son Directeur Général, d’avoir répondu positivement à mon désir d’écrire une œuvre à l’intention de cette merveilleuse violoniste qu’est Ning Kam, dédicataire de l’ouvrage. Du reste, J’ai eu la chance énorme d’avoir pu initier ce projet et composer la majeure partie de ce “pseudo-concerto” à l’occasion de ma résidence en août-septembre 2003 à la Fondation Civitella Ranieri, loin de toute frénésie culturelle des grandes villes, perdu dans un un château médiéval d’Italie ; là ou j’ai pu écrire cette œuvre mouvante, scintillant non seulement des parfums évanescents d’Orient, mais aussi des éclaboussures colorées et lumineuse de l’Ombrie profonde.