Trois Itinérances (2016)
Trois pièces pour soprano, saxophone alto et piano
I. A toi, la femme japonaise
(texte du compositeur)
II. Retour
(texte de Charlotte Materne)
III. Iro ga mazareba mazaru hodo
(texte de Noriko Yakushiji)
Cette œuvre est une commande du Trio Atom (Noriko Yakushiji, voix, Yukari Uehara, saxophone, Ayako Morita, piano) pour saluer la commémoration du 150e anniversaire des relations culturelles entre la Belgique et le Japon. Dès lors, les trois pièces se situent à la croisée de ces deux contrées riches de leur imaginaire réciproque. Elles nous offrent des mots chuchotés avec passion ou nostalgie, parfois avec véhémence, des bribes de paroles itinérantes qui traversent les airs pour réunir les âmes des habitants du « Pays du soleil levant » et de Belgique. Au centre de ce cycle, un drame, en souvenir des victimes du terrible attentat terroriste de Bruxelles en mars 2015. Un hommage aussi au cinéaste belge Gilles Laurent, passionné par le Japon, marié à une japonaise, et décédé lors de ce tragique événement. Ici, le texte de Charlotte Materne nous plonge dans l'inquiétude de l'après-attentat. Mais il exhalte aussi cette vie qui reprend ces droits quoi qu'il arrive. Et c'est bien cette vie qui remplit les pièces I et III en guise d'antidote aux drames de notre temps. A commencer par les pensées poétiques passionnées et tendres de la première pièce, qui relient le compositeur à la musicienne japonaise Sachiko Nomura pour laquelle il avait déjà écrit son Japanese e-mail 2. Quant à la troisième pièce, par son action symétrique, elle nous propose les évocations colorées et nostalgiques d'une japonaise en résidence dans cette Belgique si calme, loin, trop loin, des néons de Tokyo. Ainsi l'amour, l'écoute du lointain et de l'autre pourront-t-ils se faire échos de ces amitiés nouvelles et nécessaires à l'humanité pour qu'elle puisse se réaliser pleinement dans ce siècle nouveau.
Ces Itinérances sont dédiées aux merveilleuses musiciennes du Trio Atom, ainsi qu'à Sachiko Nomura (pièce I), Charlotte Materne, et « à toutes les victimes de barbarie » (pièce II), à Noriko Yakushiji et « à tous les humains en quête d'espoir » (pièce III).
Cette œuvre a été écrite avec le soutien de la Communauté française de Belgique / Fédération Wallonie Bruxelles (Direction Générale de la Culture, Service de la Musique). Création par ses dédicataires (Trio.be au JT Affinis Art Hall de Tokyo, 29 octobre 2016.
Une version des Pièces 1 et 3 - pour violon, saxophone et piano - a été réalisée en 2018 à l'intention du Trio Kugoni.
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Textes :
I.
Je voudrais être un volcan solitaire de ton pays bien-aimé,
Brisure de terre, éclat de mer
Glissant sur ta peau au parfum de kombu.
[A toi la femme japonaise]
A toi ce désir de soubresauts telluriques
A toi, l'exquise d'orient/désorientée/orientée vers l'ouest trompeur
Vers l'éternel couchant
Que glisse ce volcan dormant
Qu'il rentre sous ton manteau
Pour s'effondrer au creux de ta lune profonde
Soubresauts telluriques encore inassouvis
Que la lave se déverse en flots capricieux
Au profond de cette biffure d'Asie
exhalée par le tremblement de ton être.
(Claude Ledoux)
II.
Retour dans le prémétro / Marcher 20 minutes jusqu'à la station ouverte la plus proche / Voir les militaires, un camion, puis un deuxième arriver, débarquer [t t t t t t…] trois hommes armés / Se dire [k k k kill kill kill kill] qu'ils sont la pour nous protéger / Chercher la seule entrée accessible / La trouver, se faire fouiller / Descendre sur le quai, encore des militaires / Silence / Un calme religieux malgré des panneaux d'affiche chaotiques / 5 minutes annoncées, puis 10, retour à 5, annulation / silence dans la rame / Regarder tout autour de soi, se rassurer en se disant que tout ces gens ont aussi été fouillés / le tram traverse des stations fantômes, fermées, plongées dans l'obscurité / Des gens qui commencent a s'énerver de ne pouvoir descendre à l'arrêt souhaité / fermés, puis... / puis la prise de conscience, le métro a sauté il y a deux jours / On descendra quand on pourra / Descendre / Un quai désert / Entrer dans la gare / Les chemins balisés, les accès interdits, les militaires / Deuxième fouille / Une gare calme / Des panneaux d'affichage plus chaotiques encore que ceux du pré-métro /
Le calme, malgré tout...
(Charlotte Materne)
III.
色が混ざれば混ざるほど
(iro ga mazareba mazaru hodo )
透き通っていくあの空に
(sukitootte iku ano sora ni)
桜色の風が舞う
(sakura iro no kaze ga mau)
街の銀色すり抜けて
(machi no gin iro surinukete)
音をもたらすこの風を
(oto wo motarasu kono kaze wo)
そっと麻の袋につめ
(sotto asa no fukuro ni tsume)
薄暮色の空にまく
(hakubo iro no sora ni maku)
桜がネオンに変わるとき、みんなは心から拍手する
(sakura ga neon ni kawaru toki, minna ha kokoro kara hakushu suru)
(Noriko Yakushiji)
Traduction française :
Plus les couleurs se mélangent,
plus le ciel s'éclaire
et le vent couleur cerise danse.
Ce vent qui glisse sur la couleur
argent de la ville
en faisant une mélodie,
je le mets dans un sac en jute,
avant de le libérer dans le crépuscule.
Alors, ces cerises (cerisiers) se changeront en néon,
et les gens applaudiront de tout leur coeur.