The World Starts Every Minute, 2007, construction en bois et métal. Espace sonore multicanal et espace fictif.
The World Starts Every Minute propose un environnement immersif et déambulatoire qui combine différents modes de spatialisation du son sur un système de 13 haut-parleurs répartis en deux groupes: Une hexaphonie quasi-invisible, dissimulée derrière des tissus à la couleur des murs, composé de 6 haut-parleurs équidistants qui surplombent les visiteurs et un ensemble de 7 pavillons coniques colorés, accrochés aux murs à des hauteurs différentes, qui invitent les visiteurs à s’approcher et à tendre l’oreille. Un soin tout particulier a été pris à toutes les étapes de la prise de son avec le meilleur matériel à la diffusion sur des haut-parleurs de très grande qualité, afin d’obtenir une transparence qui fasse oublier l’existence du média.
Certaines sources sonores se déplacent uniquement dans l’espace hexaphonique, d’autres sur l’ensemble des haut-parleurs. D’autres enfin, tout aussi nombreuses, sont localisées précisément dans un seul des pavillons, donnant à chacun de ceux-ci une identité provisoire, celle du locuteur qui respire, chuchote, parle, rit ou crie, variable au cours de la boucle de 10 minutes de l’installation.
Apparaissent ainsi une succession d’instants où différentes voix se répondent par zones sur un petit ensemble de cônes. En se déplaçant, le spectateur change de point de vue, de point d’écoute, hiérarchise les interventions et crée sa propre spatialisation du son, à laquelle se superpose celle plus ample, qui se déploie sur l’hexaphonie et dont les mouvements happent le spectateur dans un tourbillon sonore, scandé par des ruptures, des pas, des chants éthérés, des grondements sourds, des mouvements de foule, des coups de feu, des cris, des séquences intimes, des rires discrets ou débridés, communicatifs. Une trame narrative ouverte, qui balaye tous les âges, de la naissance à la mort, où chacun découvre des résonances personnelles ou familiales, exacerbées par la transparence de l’écoute qui induit une présence presque tactile, derrière le voile coloré qui recouvre les pavillons, de chacune de ces femmes, surtout, mais aussi de ces hommes qui ont donné leur voix à ce projet.
Todor Todoroff
Installation sonore déambulatoire multiphonique, commande du Musée des Beaux-Arts d'Angers et créé là et ouverte du 14 décembre 2007 au 13 avril 2008.
Texte de Martial Thomas :
«The world starts everyminute» est une installation sculpturale, sonore acousmatique produite par Marie Jo Lafontaine avec Todor Todoroff comme compositeur .
La spatialisation du son est produite ici par 13 hauts parleur dont 7intégrés sculpturalement dans des cônes et 6 autres installés dans les murs en périphérie qui diffusent des niveaux,des courbes, des registres de sons, des strates superposées de couches sonores émanant de différentes localisations dans l’espace ce qui produit une situation qui s’apparente au réel.
L’installation sonore à la qualité d’être un espace sculptural qui prolonge le caractère permanent des œuvres de Marie Jo Lafontaine, qu’elles soient, installations vidéo,installations photographiques.
L’idée de cette installation sonore est le manifeste du rire qui s’inspire bien sur des écrits de Henri Bergson mais de bien d’autres auteurs et qui se situe surtout dans un mouvement d’ensemble de toute la création d’œuvres de Marie Jo Lafontaine, c’est ainsi une amplitude à l’histoire renouvelée de ses fables, de ses récits, de ses dénonciations, de ses références au beau ou à l’effroi dans une saisie aiguë du monde
L’histoire de cette œuvre sonore, le scénario construit par strates, effacements, superpositions, couches sonores de significations s’origine dans la voix de cet enfant qui se nomme Yulica, cette petite fille qui tente de se remémorer un chant, une comptine oubliée.
L’enfant vient ainsi frapper au seuil de la mémoire, ce chant évoqué est un soubassement, un questionnement constant à l’écoute du présent et du futur en projection.
Il est pure origine, virginité éclatante, comme lieu intouchable de l'être en émergence sur la vie pleine de promesses et de bonheurs.
Et c’est sur cette résonance que vient s’articuler le déroulement sonore en écho au monde mais vécu, intercepté dans le moi individuel et multiple.
C'est une création qui se développe pour le visiteur en temps réel avec les événements du quotidien, là où se passent les événements, là où s’évaporent aussi les drames, les tragédies, les résonances des territoires humains. C’est l’écho du « parc humain» mondial.
C’est dans cet intervalle,entre le début du chant de Yulica et le cri du « NO!» de la femme adulte qui interrompt et clôture le dernier chant de Yulica, un chant juste évoqué qui viens de loin, dans une profondeur du temps comme un souvenir heureux de l’innocence, un merveilleux espace gelé de la mémoire, de son enfance, de notre enfance, que viens se développer un parcours de moments éclatés de l’histoire chaotique et angoissante de la vie mais aussi bien des éclats de rires joyeux et sournois d’enfants qui répondent à un discours d’adulte peut-être trop autoritaire.C'est aussi une fête de rires complices, qui se développent en ondes d’échos et dont l’amplitude surprend le visiteur dans sa déambulation dans l'espace et qui présuppose que c’est l’autre de lui-même qui rie dans cet intervalle de la perception…
Commentaires
Etre dans le monde en tant qu’enfant et y survivre en tant qu’adulte.
La signification du son est sur l’intervalle entre lechant inaugural et le chant final qui est une amplification du premier maisaprès avoir traversé, vécu, l’écoute des événements, il est tellementinsupportable à la perception de la femme adulte qu’elle lance, qu’elle hurle" NON" qui suppose«Arrêtez»!" Stop"…
Au milieu du parcours sonore, l’insouciance deYulica,son écart au monde est scandé parla corde à sauter et le comptage du temps innocent mais perceptif en deçà de laconscience au seuil du refus du réel.
Fragments et complexité sonore
Les phases sonores sont une traversée des mondes extérieurs:
Entre intériorité et extériorité, entre le privé de ses perceptions là où se passe l’événement et la sortie de soi-même dans l’espace des grandes métropoles urbaines.
Les cris, les coups de feu et la vague des émotions oscillent entre complicité et effroi, entre rires confondus dans des plaintes ou dans des pleurs, parfois dans une ambiguïté du rire qui se meut en pleurs.
La revendication du son est le rire qui se développe par les chants, les murmures, les chuchotements, les cris, les pleurs, les plaintes, la complicité, les messes basses, les fous rires, la dimension asilaire de la voix poussée à l’extrême comme pour se faire entendre dans le tumulte lorsque personne ne vous entend,les rires joyeux, les rires désespérés …
Les rires d’enfants sont gais, insouciants mais se rient t’ils de nous ou bien sont-ils heureux dans leurs rires? En fait ils intègrent le retour des heurts sans le dire, sans le manifester !
Sous le tonnerre,le chant d'une voix s’élève comme une conjuration des malheurs ou une force qui dépasse les contingences.
Le chant perdure malgré la continuité des événements tragiques, il faut en rire et voilà le chœur des rires en réverbération.
Les lieux d’émergence du rire sont ceux qui sont émis et enregistrés dans une cathédrale, dans la forêt, dans le sous-terrain d’un parking, dans l’appartement privé, dans la salle des pas perdus d'une mairie de la ville d'une grande métropole, dans le repliement sur soi…
C'est une traversée des espaces privés ou publics.
Dans l'espace de l’installation,le visiteur assiste aux événements mais il est aussi acteur créatif, il participe en temps réel à un déroulement en puissance, il est à la fois otage et participant, libre à lui de se déplacer là où une phrase sonore significative à lieu car les lignes concrètes de sons lui proposent ce choix, celui d’échapper à l’action, ou bien celui d’être voyeur de la chose qui se produit.
Ce projet dans sa position est la manifestation d’une révolte, face au monde marchand, face à l’économie du savoir qui perçoit les failles, les abaissements de la pensée forte en opposition au décoratif ambiant sous posture intellectuelle qui satisfait le non discours.
C’est un non apposé à l’extrême, c’est un non à l’endormissement, c’est un non à l’hypnose de la marchandise. C’est un non à la souffrance, à la soumission d’un ordre marchand, celui-ci aveugle à lapensée génératrice d’ouverture, de libération et d’espoirs.
Le NON est un non rebelle et un NON du leurre pour des facéties décoratives qui plongent l’autre dans un embellissement de surface et de perte.
C’est un NON d’énergie pour surgir et sortir de la finitude.
C’est un NON pour l’écoute et il suffit d’entendre les chants de Yulika pour comprendre le message.
Ce chant venu du fond d’une histoire perdue, dans lat entative de la mémoire perdue pour laquelle le groupe d’enfants s’esclaffed ans des rires légers.
Ecoutez ce chant en développement repris dans le lointain par cette chanteuse mezzo-soprano, Solange Labbé et suivi par cet autre chanteuse Birthe Bendixen au répertoire d'opéra qui chante en improvisant «casta diva» sous les rires des enfants qui se prolongent jusqu’à l’extinction.
Espace «republica» …
Les cris, les lamentations qui se meuvent à celles des cris des enfermés, dimension asilaire et ouverte à la dimension de la place publique, là où se projette le lieu des luttes et des espoirs sous l’impact des balles de l’autorité pour interrompre la manifestation du peuple et la cantatrice décide dans son cri final de dire NON! c’en est assez!
Silence !!!
Revenons au rire, pénétrons nous dans l’espace de nos espoirs et de nos vies et Rions du rire et un grand merci à Yulica et toutes les autres voix.
Martial Thomas
Installation sonore déambulatoire pour 13 haut-parleurs